Il était une fois à Verrey un jeune homme beau et fort prénommé Nicolas. En patois, on le surnommait « Coa ». Un jour qu'il travaillait au champ avec son père, il cassa une dent de sa pioche. Le père, un sanguin, le gifla. Cette gifle, imméritée, brisa le cœur du fier Coa.
Plantant là son père et son ouvrage, il met en poche le morceau de métal cassé, court chez lui, prend un fusil, et s’en va, furieux.
Coa suit le bisse de Vex et se dirige vers Planchouet. Après une heure de marche, un cri de rage le cloue sur place. Le malheureux aperçoit à quelques mètres un ours, fou de rage d'avoir été dérangé dans sa cueillette de myrtilles. Il est dressé. Ses griffes comme des poignards déchirent le ciel. Il s'avance lourdement vers Nicolas, pétrifié. Le jeune homme épaule sa vieille arme et tire. Le gigantesque plantigrade n’est que blessé, et la douleur ajoute à sa colère. Coa tourne les talons et s’enfuit, la bête sur ses pas.
Il saute sur le toit d'un grand chalet, espérant échapper au monstre. C'était compter sans l'obstination de l'ours car soudain, l'énorme masse se dresse au faîte du toit. Désespéré, Coa se souvient de la dent de pioche qu’il avait mise dans sa poche : sa dernière cartouche. Il arme son fusil, se dresse face à l'ours et tire. Il y eut un grand vacarme, puis la paix revint sur Planchouet.
Tout chamboulé, Coa court chez ses parents. Il arrive au beau milieu de la nuit, réveille son père et dit :
- J’ai tué l'ours de Planchouet !
Ça lui vaut une nouvelle gifle pour fanfaronnade. Le pauvre dut repartir jusqu’à Planchouet, découper une patte de l'ours et revenir à l'aube avec son trophée sanglant; il fit alors l’admiration de tout le village!